1 – Non jamais sur cette terre
On ne vit en vérité,
Pareille calamité,
Ni plus affreuse misère,
Que celle que l’on subit
Sous le siège de Paris.
2 – Paris ! cette ville aimable,
Qui donc ose l’assiéger ?
Serait-ce cet étranger,
Qu’avec un accueil affable
Elle admettait dans son sein ?
Oui, c’est lui son assassin.
3 – C’est d’accord avec l’infâme
Celui qui livra Sedan :
Bonaparte, le tyran !
Ce gredin sans cœur, ni âme !
Que la Prusse avec ardeur,
Accomplit notre malheur.
4 – Lors du fameux plébiscite,
Sans tous ceux qu’ont voté oui
On n’aurait pas aujourd’hui
Cette guerre tant maudite :
Paris qui n’y est pour rien
À cette heure en souffre bien.
5 – Que de chagrin, que de peine !
Pour un moment d’abandon ;
Si l’on avait voté non,
La France Républicaine,
Pour l’instant, ne serait pas
Dans un si triste embarras.
6 – Quand on pense que nous sommes
Privés de relations,
De communications,
Avec le reste des hommes ;
Du monde pour nous le bout
Ne va pas même à Saint-Cloud.
7 – Quand le ballon nous emporte
Dans tous les départements.
Des lettres pour nos parents,
Jamais il ne nous rapporte
Les réponses, ce qui fait
Qu’on en est très inquiet.
8 – Nous n’avons de leurs nouvelles
Qu’au moyen de nos pigeons ;
Mais des Prussiens, les faucons
Les chassent à tire-d’aile :
Sur dix, il en revient deux ;
On le voit, c’est très chanceux.
9 – L’aspect de toutes nos rues
Est lugubre, car, hélas !
On a supprimé le gaz
Même avant une heure indue,
Et les magasins, le soir,
Font vraiment du mal à voir.
10 – D’ailleurs, toutes les boutiques
N’ont plus rien d’étalagé,
A part chez le boulanger,
C’est en vain que les pratiques
Chercheraient quoi que ce soit ;
On n’a plus même de bois.
11 – Car dans cet horrible siège
On est bien privé de tout ;
Mais de chauffage surtout,
Et sur nos toits, blancs de neige,
L’hiver, en signe de deuil,
Vient étendre son linceul.
12 – Un jour une pauvre mère
Privée de bois, de charbon,
Attend la distribution
Une journée tout entière ;
Dans ses bras cruel effroi !
Son enfant est mort de froid !
13 – On a vu dans les tranchées
Des soldats, de froid périr ;
Ils préféreraient mourir
D’une mort plus recherchée,
Vis-à-vis de l’ennemi,
En défendant le pays.
14 – Et nos pauvres ménagères
Attendent en pataugeant,
Souvent trois heures durant,
Pour obtenir d’ordinaire
Un pot-au-feu de cheval
Ce brave et noble animal.
15 – C’est en pleurant qu’on le mange,
Et l’on n’en a pas toujours ;
Il arrive bien des jours
Que, par force, l’on s’arrange
D’un plat, qui n’est pas très gros,
De riz cuit avec de l’eau.
16 – Il est des êtres rapaces !
J’en rougis ; mais des marchands
Exploitent les pauvres gens ;
Jugez où va leur audace,
Ils vendent un[8] mauvais chou
Jusqu’à des six francs dix sous.
17 – On se nourrit d’épluchures,
De chats, de chiens et de rats ;
On vend des choses au tas
Que l’on jetait aux ordures ;
Mais on s’en repaît enfin,
Pour ne pas mourir de faim.
18 – Dans une pauvre mansarde,
Située rue Desnoyers
La femme vient d’expirer,
Et, seul, son mari la garde ;
Quand, privé de tout secours,
De faim, il meurt à son tour.
19 – Et le matin quand on rentre
De la garde rempart,
Des pommes de terre au lard
Feraient tant de bien au ventre ;
Mais ce légume est passé ;
Du moins, c’est pour les blessés.
20 – Or, toutes les ambulances
Que l’on a fait à grands frais,
Sont pleines, ou à peu près,
Sans compter ceux que la France,
Parmi ses enfants perdus,
Ne reverra jamais plus !
21 – Que de mères en alarmes !
Gémissent en ce moment
Sur le sort de leurs enfants
Qu’a trahi celui des armes ;
Mort sous le plomb meurtrier,
Ou tout au moins prisonnier !
Moralité
22 – Eh ! bien de tous ces ravages,
Nous souffrons sans murmurer ;
Loin de nous désespérer
Ils augmentent nos courages :
On ne vaincra pas Paris,
Tant que nous serons unis !
Ajouté à la base le 7 février 2023
Par : L'équipe CANTO
Auteurs : Anonyme
Date : 1871
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